I – Le retour du comptoir : un bar associatif ouvre dans le village.
Près de quarante ans après la fermeture du dernier débit de boissons, le village de Jarjayes retrouve enfin son bistrot. Il s’agit d’un bar associatif, ouvert depuis vendredi 19 septembre grâce à l’énergie d’un petit groupe de jarjayais(es) .
« Ici, il n’y avait plus aucun lieu pour se retrouver », explique Julia, présidente de l’association à l’origine du projet. Le dernier café a fermé au début des années 1980, et depuis, la population a doublé et chacun vit un peu dans son coin. « On avait besoin de recréer du lien».
Le bar, installé dans l’ancien appartement communal de Denise Baldouin qui nous a quitté récemment, a été rénové par les bénévoles de l’association. Murs repeints, comptoir construit en bois local, tables et matériel récupérés chez les uns et les autres : tout respire la convivialité et la débrouille. Derrière le zinc, ce ne sont pas des employés mais des bénévoles qui se relaieront chaque semaine pour servir un café, un jus de fruit artisanal, une bière ou un verre de vin local.
L’inauguration a rassemblé près d’une centaine de personnes, soit environ le quart de la population permanente du village.

Au mois de juin, quelque bénévoles ont créé l’association « Chez Denise » et ont oeuvré pendant tout l’été en mettant en place un chantier participatif avec l’aide de la mairie dans le but d’ouvrir un café associatif qui soit un lieu d’échange, de partage et de rencontres pour toutes générations confondues.
Ce bistrot s’appellera « Chez Denise » nous dit la présidente, «il sera un espace ouvert pour pouvoir partager tout ce qui nous tient à coeur, chacun pouvant proposer des thèmes et des animations »
Le bistrot sera dans un premier temps ouvert les mardis et vendredis soirs, toute l’année.
Le mardi, le local prolongera le petit marché qui se tient tous les étés dans le parc du château, et sera une fenêtre ouverte pour les producteurs locaux pour vendre, tout au long de l’année, leurs spécialités (pain, fruits, légumes, fromages, charcuterie, pizzas, etc.).
« Par la suite, en fonction des bonnes volontés et des idées, il pourra être ouvert par exemple les mercredis après-midi pour les enfants et les jeunes, le week-end pour le café, un après-midi pour les parties de cartes…Tout est à créer ensemble ».
L’endroit doit devenir un lieu intergénérationnel, et pourra aussi accueillir des soirées musicales et des soirées jeux pour tous les âges.
Le projet bénéficie également du soutien de la mairie, qui est à l’initiative du projet et qui met gratuitement le local à disposition de l’association . « Ce bar, c’est plus qu’un débit de boissons, c’est un service public à sa manière », souligne le maire. « Dans un village où il n’y avait plus de commerce, c’est un symbole d’espoir ».
Voici la preuve que même dans les campagnes marquées par la fermeture des services, la bonne volonté de quelques uns et le sens du collectif peuvent faire revivre la convivialité et la vie locale.
L’Association « Chez Denise » vient compléter le travail effectué par les associations « Jarjayes Animation » et par l’« Association Trois-Châteaux » qui œuvrent sans relâche, depuis des années, pour la redynamisation de Jarjayes.
Nous lui souhaitons donc bienvenue, longue vie et réussite.
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II – Les cafés de Jarjayes (séquence nostalgie):
Le dernier bistrot de Jarjayes a fermé dans les années 1980 .
Aussi loin que remonte la mémoire des anciens, on se souvient que Jarjayes a connu au moins trois cafés au cours du siècle dernier (1).
Citons d’abord le Café MARCELLIN situé à l’entrée du village, à côté de la fontaine dans la maison de Christian et Andrée MARCELLIN, face à la route du Laus.
Ce café que seuls les plus anciens ont connu, offrait de grandes tables en noyer, l’ambiance de la salle était feutrée calme. Dans les années d’après guerre, on y célébrait, dit-on les évènements familiaux, les départs et retour du service militaire.
Il a été exploité jusqu’au début des années 60, et n’a pas résisté à la désertification du village et à l’exode rural (voir notre article sur l’évolution de la population de Jarjayes).

Il y avait aussi , à Jarjayes, à l’extérieur du village, au quartier de la Madeleine, le Café des Pêcheurs situé au croisement de la route de la Luye et de la Nationale (voir carte postale du début du 20e siècle ci-dessous).
Actuellement il ne subsiste plus rien du café des pêcheurs. Fermé dans les années 80, il a été démoli dans les années 1990 pour élargir le carrefour. Mais il y a plus d’un demi siècle c’était encore un lieu de rencontre très animé, surtout fréquenté par des voyageurs de passage, routiers et ouvriers.
Au départ, il s’agissait d’un ancien Relais de poste-auberge, étape sur la route de Barcelonnette et Briançon en bordure de la Durance, rendez-vous des pêcheurs de la Durance et de la Luye. Mais les anciens prétendent qu’après guerre, il était fréquenté par d’autres sortes de pêcheurs, « pas tout à fait des pêcheurs à la ligne ….. mais plutôt ceux qui venaient se livrer à une pêche d’un autre genre … » (G. Nicolas 1986). (lire notre article sur le Hameau de la Madeleine)

Le troisième café, qui a résisté un peu plus longtemps que les autres était le débit de boissons de Marcel et Aimée VALENTIN, ouvert après guerre, idéalement situé sur la place de l’Église, juste en face de l’actuel café associatif « Chez Denise » (voir photo d’entête, collection M. Valentin).
Les moins jeunes d’entre-nous s’en souviennent avec un réel sentiment de nostalgie.
Le café ouvrait ses portes tous les jours dès le matin, mais c’était surtout le dimanche qu’il battait son plein, réunissant ce jour là, les habitants du village et ceux des hameaux environnants. Plutôt des hommes, il est vrai !

Pendant que les femmes assistaient à la messe, les hommes attendaient à l’intérieur ou dehors, devant l’entrée du bistrot, la cigarette au coin des lèvres ou le journal à la main. On échangeait des nouvelles de la semaine, on parlait du prix du blé ou du lait. Quand les cloches sonnaient la fin de l’office, la troupe se déplaçait naturellement vers l’intérieur du bistrot.
Derrière le comptoir, la patronne et le patron connaissaient tous les clients. On demandait un ballon de rouge, ou de blanc, limé parfois (avec de la limonade), un petit jaune ou un café serré.
Les conversations étaient animées, parfois bruyantes, et résonnaient dans la grande salle, mais cela faisait partie du décor. Les rires éclataient, les histoires de chasse s’allongeaient, et les plaisanteries un peu rudes fusaient sans vexer personne.
Dans un coin de la salle, une table, souvent la même, servait de champ de bataille aux parties de belote , de moune ou de manille aux habitués du lieu. Les cartes claquaient sur le tapis vert, le bruit des jetons de belote et les conversations aux accents « pagnolesques » rythmait les après-midis. Certains anciens avaient leur table attitrée et c’était un honneur pour un jeune d’y être invité.
Le lieu servait également de point de vente de dépannage et on pouvait y acheter le journal, des cigarettes, une carte postale, une bouteille de gaz ou des bouteilles de vin consignées.
Les enfants aussi avaient leurs habitudes. Accompagnés de leurs parents, ils buvaient l’éternel sirop à la grenadine ou à la menthe, ou une limonade. Parfois, ils venaient acheter des bonbons en cachette de leurs parents : sucettes, berlingots aux couleurs vives, caramels mous qui collaient aux dents, malabars, carambars, rouleaux et batons de réglisse, bonbons Krema, sucettes Pierrot Gourmand et les fameux roudoudous dans leurs coquillages en plastique. Avec quelques centimes, on repartait les poches pleines, la langue bleue ou rouge selon le parfum.
L’après-midi, après le café, se déroulaient sur la place les fameuses parties de pétanque, autour de la croix en pierres qui trônait au milieu de la Place . Les parties étaient souvent acharnées, avec, pour enjeu, le paiement de la tournée par les vaincus.
Les spectateurs, le verre à la main, étaient souvent plus nombreux que les joueurs, assis sur le muret de la place, sur le socle de la croix ou sur les marches de l’église.


A la fin des années 70, le café tenu par Mme VALENTIN et de M. CORREARD a fermé.
Quelques habitués ont continué à jouer aux boules sur la place ou aux cartes les uns chez les autres. Mais le village a perdu son lieu de convivialité et de rencontres.
Près de 50 ans plus tard, le village retrouve enfin son bistrot !
Il ne tient qu’ à nous d’en faire un espace de partage et de rencontres ouvert à toutes et tous, toutes générations confondues, afin qu’il devienne le premier réseau social non virtuel de Jarjayes !
JS et YS
(Photos M. Valentin, G. Nicolas et ATC Jarjayes)
Nota: voici l’adresse mail où joindre l’Association « Chez Denise » pour vous informer, partager vos idées et observations : chezdenisejarjayes@gmail.com
(1) Nous n’oublions pas l’Auberge du Château des Tancs qui était plutôt un restaurant qu’un bar et qui fera l’objet d’un prochain article sur notre site.
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