Ce vendredi 12 mai après-midi, l’association Trois-Châteaux a présenté une nouvelle conférence dans les locaux de la Salle Polyvalente de Jarjayes.
Cette conférence sur les radeliers de la Durance et le flottage du bois sur la Durance et ses affluents était animée par LE référent en la matière, Denis Furestier.
L’évènement a réuni environ 75 personnes parmi lesquelles une partie des élèves de l’école de Jarjayes (les plus grands) et quelques participants venus parfois de très loin.
« La Durance (et ses affluents), durant de longs siècles, a été le véritable cordon ombilical entre mer et montagne. Du Moyen-âge au XIX siècle, l’impétueuse rivière était en effet le seul et unique moyen pour faire transiter par flottage les lourdes et volumineuses pièces de bois nécessaires à la construction maritime en Méditerranée.
De même, sapins et mélèzes haut-alpins ont été largement utilisés dans l’édification des maisons et bâtiments des cités provençales.
Dès le moyen âge, la Provence et le littoral ont commencé à être déficitaires en bois. Depuis l’arrivée des colonies Grecques puis Romaines, les réserves de proximité ont été sollicitées et partiellement démunies. Les besoins en bois de charpente, menuiserie et construction maritime étaient partout en demande d’approvisionnement. Devant le manque de ressource forestière, les Provençaux se tournent naturellement vers les forêts Alpines riches de la précieuse marchandise. L’absence d’accès terrestre satisfaisant au transport de grosses pièces de bois jusqu’au 19ème siècle va faire, de la Durance et ses affluents, la route des bois vers le sud. Avec l’arrivée des Bourbons mais plus particulièrement sous le règne de Louis XIV et Louis XV, les besoins en bois de marine sont devenus véritablement démesurés et exponentiels.
Les pièces de bois, ainsi flottées sous forme de radeaux, étaient liées les unes aux autres par les « réortes » (mot provençal qui signifie une façon de travailler des liens végétaux pour les rendre plus souples).
Les radeliers, pour guider leurs radeaux entre écueils et haut fonds fréquents sur la Durance, utilisaient des rames fixées à l’avant et l’arrière des radeaux. Les plus gros d’entre eux (15 à 20 tonnes) étaient descendus à la faveur des grosses crues.
Plus qu’une activité humaine à la marge, le flottage fut un véritable facteur d’évolution économique. Mais, par l’intensification de sa pratique, il a aussi été un facteur de déforestation des massifs Alpins.
Cette époque de l’âge d’or du flottage sur la Durance s’est prolongée jusqu’aux guerres de l’empire, pour décroître et disparaître entre la révolution industrielle et le tout début du 20ème siècle.
Aujourd’hui, les traces de cette activité commerciale subsistent dans les archives Départementales de la Région PACA et des indices beaucoup plus discrets, dans les charpentes de nombreuses habitations Provençales »
Denis Furestier
Le passage des radeaux était parfois au moyen âge une source de revenus recherchée pour les petits seigneurs locaux laïques ou ecclésiastiques qui mettaient en place des « péages » sur le parcours du fleuve
Il n’y avait pas , à notre connaissance, de péage sur le bras de la Durance qui, entre le Pont de l’Archidiacre dans le quartier de Malcor et la Madeleine au confluent de la Luye, limite le territoire de Jarjayes, et constituait avant le 15e siècle la frontière naturelle entre Provence et Dauphiné.
Mais il existait de source sûre un péage à Valserres, au niveau du pont de l’Archidiacre qui fut précédé par un bac bien avant le Moyen Age.
Vers le milieu du 18e siècle, la monarchie récupéra la plupart des péages et mit fin à plusieurs d’entre eux. Celui de Valserres fut supprimé par un Arrêt du Conseil d’Etat de 1730.
Arrêt du conseil d’Etat du 7 mars 1730 qui supprime le droit appelé chamage prétendu par le Sr Du Bois sur les radeaux passant sur la Durance, à l’extrémité de la seigneurie de Valserres en Dauphiné (A.N., A.D. XIII 4. Arrêt de confirmation- source BNF Gallica).
Né en 1952 dans les Cévennes, mais haut-alpin depuis 1971, ancien responsable de centre de vacances, Denis Furestier est aujourd’hui installé à Embrun où il exerce ses passions d’historien et chercheur. Il est surtout connu pour avoir présidé durant 26 ans l’association des Radeliers de la Durance sise à Embrun et ses reconstitutions de descentes en radeaux.
Il parcourt depuis de longues années les archives dans tout le pays afin d’enrichir son savoir sur le sujet et est l’auteur de plusieurs publications. Il travaille aujourd’hui à la rédaction d’un livre sur l’histoire du flottage dans les Alpes du Léman à la mer et mène en parallèle des recherches sur l’énigmatique question des chevilles présentes dans nombres de charpentes anciennes ayant étaient flottées….
Son expérience sur le flottage du bois lui a valu d’intégrer un groupe de recherche réunissant l’université de Lyon 2, la Sorbonne et celle des sciences sociales de Dijon.
Parmi ses publications :
« Forêt et Marine », Andrée CORVOL. L’ Harmattan – 1999, « La Durance de long en large. Bacs, barques et radeaux dans l’histoire d’une rivière capricieuse », Les Alpes de Lumières, 2005, « le flottage en Haute Durance » Bulletin de la société d’étude des Hautes-Alpes (2011-2012) et « Le flottage du bois en europe, Techniques, sociétés et environnements » Presses Universitaires De Dijon, 2023.
L’Association Trois-Châteaux de Jarjayes remercie Denis Furestier pour son exposé très enrichissant qui a enchanté les nombreux participants qui ont fait l’effort de se déplacer malgré les caprices de la météo.
JS
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