Dessin Pierre Planas, arhitecte (collect. privée Papy Claude B.)

Les Hameaux des Bournas et des Barons, distants d’environ 300 mètres, sont situés au nord du Chef lieu de Jarjayes, à 4 km de celui-ci sur la route de Gap et en limite de cette commune, sur le versant incliné au nord de la petite vallée où coule le ruisseau du Partiment.

Le quartier surplombe le torrent du Partiment « partimentum », ainsi nommé parce qu’il sépare le territoire de Gap de celui de Jarjayes (F. ALLEMAND Notice sur les Meyères et Colombis, hameaux de Gap 1915). Les gapençais l’appellent aussi ruisseau de colombis.

En effet, de l’autre côté du ruisseau, le quartier fait face aux hameaux gapençais des Eméyères et de Colombis qui dépendaient jadis du domaine de Montalquier .

Au Moyen âge, un chemin reliait Gap à la Durance sous le nom de Chemin Vieux ou Chemin de Jarjayes ( Notice sur Meyères et Colombis-F. ALLEMAND BSEHA 1915).
Le Chemin Vieux au départ de Gap, traversait Lareton et Les Méyères, passait par les Barons et Les Bournas puis s’engageait sur les escarpements de Jarjayes, en passant par les Préaux jusqu’à la Croix de Rambaud , d’où il descendait sur l’ancien village de Jarjayes au Quartier de St Pierre.
Peu entretenu et difficile d’accès , il fut réparé en 1734 par ordre de l’intendant, depuis Gap jusqu’à Valserres, et les travaux furent mis à la charge des habitants (archives de Jarjayes).
En 1801, on construisit la route actuelle de Gap à Barcelonnette qui a été la première des voies départementales classée des Hautes-Alpes. Elle a été rectifiée en 1837 et en 1843, Elle était très fréquentée jusqu’à l’ouverture de la route de la Luye. Elle a ensuite beaucoup perdu de son importance et son entretien a laissé à désirer jusqu’au milieu du 20e siècle (F. ALLEMAND Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes 1895 et 1915).

F. ALLEMAND précise dans son traité sur Meyères et Colombis, qu’il existait autrefois un péage aux Méyères qui obligeait les troupeaux de transhumance à payer des droits aux seigneurs (selon un arrêt du Parlement de 1636), et que les bailes (en Provence, maître berger conduisant les troupeaux transhumants) , pour s’y soustraire, évitaient de passer par Meyères en montant de la Luye par les Bournas et le Grand-Bois jusqu’à Rambaud (voir étymologie de la Draille de la Règue en fin d’article) . L’auteur ajoute qu’on voyait encore au début du 20e siècle sur les pentes de Jarjayes le tracé suivi par les transhumants (Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes 1915 : Notice sur Meyères et Colombis (hameaux de Gap) par l’Abbé F. Allemand).

Etymologie :

Bournas vient de bornes, limites car ce hameau se trouve aux confins du territoire (cf Allemand, Histoire de Jarjayes BSEHA 1895 p195).
Attesté et orthographié « Les Bornas » dans un livre terrier de 1574 résumant les obligations auxquelles sont soumises envers Noble Jean de Saint-Germain, coseigneur du tiers de Jarjayes, 184 chefs de famille dont 129 de Jarjayes (Arch. Des H.A. 7E. G. de Manteyer, La Terre de Jarjayes en Gapençais 1942).

Dans ce document on apprend aussi que le lieu a autrefois porté le nom de Pré des Johans (Terrier des recognoyssances de noble Jehan de St Germain de 1574 » p628 LTJ).

– par Jehan et Guilhen Bornas (depuis 1556) « aux Bornas ez pras des Johans une maison confrontant la crotte (cave) de Sire Jehan Blanc de Gap du dessoubz, l’yero (l’aire) de François Bornas du mydi, terre et pré desdictz recognoyssans du couchant »  .
– par Sire Jehan Blanc, marchand de Gap . « Et premièrement, ez Bornas, au pra des Johans, une crotte (cave) confrontant la maison de Jehan et Guilhen Bornas au dessus, l’yero de François Bornas du mydi » (La Terre de Jarjayes).

On constate que la famille de Jehan et Guilhen Bornas habitait le hameau au 16e siècle. Est-ce la famille Bornas qui a donné son nom au hameau ou au contraire, la famille a t-elle pris le nom du hameau où elle habitait ?

Autre curiosité, le Bulletin de la Société d’Etudes des Hautes-Alpes (1889) nous apprend que « sur la route de jarjayes au quartier des Bournas (vers 950 mètres) est un beau bloc arrondi en grès bigarré, à gros galets de jaspe rouge : il mesure 27 mètres cubes » (Blocs erratiques les plus remarquables des Hautes-Alpes – David Martin-1889). Nous n’avons pas pu localiser ce rocher, et nous faisons appel aux géologues amateurs ou confirmés parmi nos lecteurs pour nous faire un retour !

Les Barons :
Premier hameau traversé en venant de Gap. Le quartier s’appelait autrefois Baron qui peut venir de la présence d’un baron en ce lieu ou du celtique bar qui signifie pointe, sommet, cime, butte qui pourrait s’expliquer par la physionomie du lieu (Etude de Toponymie Alpine– F. Montandon 1929).
Au Moyen Age, le terme de baron avait aussi le sens de distingué, de brave, mais dans le Dauphiné, il avait plutôt le sens de monceau, de butte, synonyme de Puy.

Le quartier était aussi connu sous le nom des Sandras au 18e siècle.
En 1793, d’après la tradition, M. de Font-Bonne, propriétaire du quartier de ce nom, aurait été arrêté et assassiné comme aristocrate sur le chemin de Jarjayes, un peu au-delà du Partiment, en un endroit appelé le Sandras, où il aurait été enterré avec son cheval. On montre encore le lieu du crime et de la sépulture au bord de la route . Ce fait, dont les Annales des Alpes (1907) se sont occupées, n’a été jusqu’ici ni confirmé ni précisé par aucun document et ne doit être admis qu’avec réserve (F Allemand 1916).

Le cadastre de 1810 :

Au début du 19e siècle, le Hameau des Barons comptait deux maisons habitées par les familles Michel et Jacob, et celui des Bournas était un hameau d’une certaine importance qui abritait jusqu’à sept logements où vivaient la famille Mallet, ainsi que celles des Brutinel, Clavel et Boyer.
A cette époque, déjà, la vie des habitants était davantage tournée vers la commune de Gap -plus proche- que vers le village Jarjayes.

lien vers le plan napoléonien des Archives départementales (cliquez sur ce lien pour accéder au plan cadastral de 1810 et visualiser les lieux habités).

Les recensements de 1836 à 1936 :

Voici un état détaillé dressé à partir des recensements relevés entre 1836 et 1936 des maisons et des ménages qui ont habité dans ces deux hameaux.
On constate qu’en 1856, le quartier a compté jusqu’à sept familles pour 35 personnes alors qu’il n’en restait que deux (10 individus) à la veille de la 2ème guerre mondiale.

Aujourd’hui, le quartier compte 7 habitations pour autant de ménages:  6 aux Barons (dont 4 à Sandras), et le hameau des Bournas n’abrite plus qu’une seule famille.

JS

Pas à pas : Sandras ou Pons, Les Barons, Les Bournas 

Pour ce troisième volet notre fil conducteur sera la D 942 A qui nous mènera des limites de notre commune avec celle de Gap, c’est-à-dire du premier pont qui se trouve après « les Emèyères », le pont des « Bournas » jusqu’au col de «La  Sentinelle ».

Tout de suite après ce premier pont des « Bournas », dans le virage, à droite, un accès à un premier groupe de maisons « Sandras ou ça de Pons », puis tout de suite après sur la gauche un chemin qui nous mène quelques centaines de mètres plus haut à deux maisons qui surplombent la D 942 A. C’est l’ancien hameau des « Barrons, ou Barons ».
Quelques centaines de mètres plus loin, à droite, en contrebas de la départementale, accessible par une route en partie goudronnée, une exploitation agricole et voilà le hameau des  « Bournas ». Juste un peu avant, à gauche, un chemin « La Draille de la Règue », qui rejoint Bellevue à Rambaud. Ce chemin a été tracé par les transhumants pour ne pas payer l’octroi aux  «Eméyères », tant par tête d’animal, tant par tête d’homme. Le chemin, « La Draille de la Regua » traverse le bois de « la Bécasse ». Après « les Bournas », le premier embranchement sur la droite nous mène au « Bascou » peut-être parce qu’un basque y avait acheté les terrains.
Le deuxième embranchement après « Bascou » se nomme « Pierre du bœuf » (??) Il nous conduit vers des terres nommées « La Grande Pigne ».
Entre le pont des « Bournas » et le pont de « Laval », un chemin sur la gauche, (pour ceux qui se souviennent, là où il y avait la cabane du cantonnier), dit le chemin de « Chanebière » qui traverse le bois de « La Blache » et nous mène sur le petit plateau de « Chanebière ».
Le pont de « Laval » est le dernier des trois ponts avant d’arriver au col de la « Sentinelle ». Il se nomme aussi le pont de « Malcombe » (mauvaise combe, peut être parce que l’hiver toujours à l’ombre et toujours verglacé), du nom du torrent qui y coule. Laval est un bois de chaque côté de la R D 942 A. Et nous voilà le Col de la « Sentinelle ».

Étymologie des lieux rencontrés :

Sandras ou ça de Pons : à droite un peu avant et presque en face des Barons ; Sandras, pourquoi ?, ça de Pons, le démonstratif « ça » donne à penser qu’il y a une appartenance, ça qui appartient à Pons.
La Draille de la Règue : en provencal « Dralhas » de la Regua, dralhas pour désigner un sentier, un chemin de traverse et « regua » qui dans les alpes désigne un troupeau qui vient de basse Provence ou qui y retourne.
Le bois de la Bécasse : Probablement parce que on y chassait la bécasse. De part et d’autre de la Draille de la Règua.
Du Rocher : après Pierre du Bœuf à gauche jusqu’au pont de Laval,
Le Bascou : Sans doute parce que c’était un basque qui avait acheté les terrains.
Pierre de Bœuf : pourquoi ? chemin menant à la Grande Pigne.
La Grande Pigne : pigne pour forêt de pins.
Le chemin de Chanebière : tout de suite à gauche après le deuxième pont, traverse le bois de la Blache et mène à Chanebière (chanvre).
Blache : le Bois de la Blache: bois destinés au chauffage des fermes. Entre la RD 942 A et Chanebière. Il est traversé par le chemin de Chanebière.
Le Virage des os : avant le virage du Pont de Laval, où l’on aurait trouvé des restes humains, des os, lors de la construction de la route de Gap à Barcelonnette qui passe au Col de la Sentinelle, en 1801, elle fut rectifiée en 1827 puis en 1843. Elle fut la première route classée route départementales dans les Hautes Alpes.
Le pont de Laval : le dernier des trois ponts avant d’arriver au Col de La Sentinelle.
Laval : des deux côtés de la R D 942 A
Le Torrent de Malcombe : Torrent de Malcombe, coule sous le pont de Laval
Le Partiment : torrent limitrophe des communes de Rambaud et de Gap dans lequel se jettent plusieurs torrents prenant leurs sources sur la commune de Jarjayes.
Le Col de la Sentinelle : sur la RD 942 A, nommé ainsi parce que l’on pouvait voir arriver les troupes ennemies venant de Gap.

MC

Voir le glossaire complet et notre article Recherche étymologique sur les noms des hameaux et lieux dits de Jarjayes paru le 11 juin 2021.